Dans l'état des connaissances contemporaines, il est possible de reconnaître une certaine réalité au « phénomène astrologique ». Il semble y avoir comme un ordre sous-jacent au monde dont nous pouvons faire l'expérience par l'examen de notre carte du ciel de naissance. Celle-ci paraît refléter les structures les plus profondes de notre intériorité.

Résumé : Dans l'état des connaissances contemporaines, il est possible de reconnaître une certaine réalité au « phénomène astrologique ». Il semble y avoir comme un ordre sous-jacent au monde dont nous pouvons faire l'expérience par l'examen de notre carte du ciel de naissance. Celle-ci paraît refléter les structures les plus profondes de notre intériorité. Cependant, avec l'émergence de la pensée scientifique il y a trois siècles, l'astrologie s'est heurtée à nombre de difficultés pour coexister avec de nouvelles manières d'appréhender le réel. Sa validité est niée par ceux qui ne conçoivent qu'un seul niveau de réalité (celui que découvrirait la science) alors que la physique vient de mettre en évidence l'existence d'au moins deux niveaux de réalité. En réaction, l'astrologie se ferme totalement au discours scientifique ou bien se pare elle-même des habits de la science. Cet article explore les fondements inconscients qui lui ont donné naissance. Elle relève de ce que C.G. Jung appelle la fonction symbolique et procède du « lieu » de l'âme où se rejoignent potentiellement l'esprit et la matière.

L'impasse d'une astrologie scientifique

Tous les sondages réalisés ces dernières années le prouvent : la croyance à l'astrologie progresse (1), et ce, malgré les tentatives répétées des mouvements rationalistes qui essaient en vain de montrer l'incohérence de ses propos au regard des acquis de la science. Pourtant, si l'on se place du point de vue de la physique ou de la biologie, il est extrêmement facile d'en détecter des incohérences. Les arguments anti-astrologiques n'ont pratiquement pas changé depuis Ptolémée et sont aujourd'hui régulièrement resservis. Cependant, même sans faire appel à ces sempiternels arguments (par exemple celui de la précession des équinoxes), il est un jeu d'enfant de montrer l'absurdité des propos astrologiques par rapport aux lois que la science a mis en lumière. On pourrait facilement en conclure que si les gens continuent à croire à l'effet des planètes ou des signes du zodiaque sur le caractère, les qualités, les défauts, le comportement, voire l'avenir des êtres humains, et ce, malgré l'évidence scientifique, c'est que l'enjeu de l'astrologie se situe autre part, en dehors du champ de la science.

Avant d'essayer de préciser la façon dont on pourrait la considérer aujourd'hui, il faut rappeler qu'elle est issue du modèle le plus ancien et certainement le plus harmonieux qui a dominé la tradition de la culture occidentale pendant des millénaires jusqu'à l'origine des temps modernes. Cette vision globale régit l'ensemble des phénomènes de l'univers à partir de quelques principes simples et rationnels. Les planètes ou « astres errants », la lune, le soleil, les étoiles, sont des êtres vivants, animés et même divins. Leurs mouvements s'inscrivent sur des sphères concentriques dont l'emboîtement constitue autour de la terre une carapace protectrice. Tout ce qui existe jusqu'à la limite des étoiles fixes constitue un être vivant dont les aspects relèvent d'un même type d'interprétation basé sur un système de correspondances, de sympathies et d'harmonies. Les phénomènes de la nature visible s'enchevêtrent avec des puissances invisibles. La réalité participe du naturel et du surnaturel. L'ordre dans l'homme imite celui du ciel, avec les restrictions imposées par l'appartenance au domaine sublunaire de la génération et de la corruption. Pour un individu donné, la constitution physique et morale, les prédispositions pathologiques du tempérament dépendent de l'état du ciel et des relations mutuelles entre les planètes à l'instant de la naissance.

Mais le moment vient où ce système de pensée est contredit par des faits nouveaux qui ne peuvent plus être intégrés à cette vision du monde. C'est l'apparition en Occident au début du XVIIème siècle d'un nouveau mode de pensée défini par une conception mécaniste du savoir prenant pour emblème l'horloge ou l'automate. La nature est une immense machine et ce schéma va s'imposer dans tous les domaines de la pensée. Le succès éclatant de la science mécaniste reléguera l'astrologie dans l'oubli jusqu'à la fin du XIXème siècle. De nos jours, en dépit de sa nouvelle popularité et des attaques dont elle est l'objet par les rationalistes, elle ne semble plus guère susciter chez les scientifiques qu'une curiosité rétrospective figurant au musée des erreurs de l'histoire des sciences.

Cependant, avec l'émergence d'une nouvelle physique qui remet en cause la conception mécaniste de l'univers machine, les limites de la rationalité ont brusquement éclaté et nous vivons aujourd'hui une véritable révolution intellectuelle où les vieilles dualités corps-esprit, âme-matière n'ont plus le même sens. La physique quantique en particulier a mis en évidence une mystérieuse indivisibilité de la matière que l'on connaît mieux sous le terme de non-séparabilité - mystérieuse car ce phénomène ne peut pas se comprendre de la façon classique, selon l'esprit dominant de la physique classique qui consistait à dire que l'on pouvait comprendre le monde en le divisant en parties de plus en plus petites (molécules , atomes, noyaux). Cette manière de voir les choses avait très bien réussi et continue de marcher tant qu'on ne prête pas attention à la texture intime des choses, tant qu'on ne porte pas son attention en-deçà d'un niveau de réalité qui est celui des particules, celui de la constante de Planck qui est un nombre extrêmement petit mis en évidence par le physicien Planck en 1900. Lorsqu'on atteint ce niveau, il faut, en effet, utiliser une nouvelle physique, la physique quantique qui est une nouvelle façon de voir les choses. Et, en interprétant ce que cette physique quantique nous dit de la réalité des choses, on est effectivement conduit à considérer cette réalité comme étant non-séparable, c'est-à-dire qu'elle forme un bloc, une totalité. On peut ainsi parler d'une "indivisibilité du tout". L'expérience a été réalisée et a été concluante: on prend deux particules qui ont été unies, qui sont donc dans un état identique et on les laisse se séparer. Et on constate que les deux particules, bien que séparées dans l'espace, sont instantanément en corrélation. Le fait d'effectuer une mesure sur l'une des particules a un effet mesurable sur l'autre, comme si l'une "savait" ce qu'est l'état de l'autre, même à très grande distance. Comme ces corrélations sont instantanées, on ne peut pas invoquer une interaction qui, si elle existait, devrait se propager à la vitesse de la lumière qui, à 300 000 km/s prend tout de même un certain temps.

La conclusion de cette expérience, c'est que chaque point de l'univers est relié au niveau quantique à tous les autres points de l'univers. Ce phénomène semble effectivement rappeler l'interdépendance universelle dont parlaient les anciens où toute partie de l'univers était comme en sympathie avec les autres parties, interdépendance universelle qui est le fondement de l'astrologie. Certains n'ont pas manqué hélas, ignorant les conditions de validité de cette non-séparabilité, de citer cette expérience pour affirmer que les nouvelles données apportées par la science moderne confèrent à l'astrologie une dimension scientifique. En s'engouffrant dans le même filon, d'autres ont même essayé de montrer que l'astrologie était une science en tant que telle en échafaudant des théories inspirées par la physique ou la biologie. Comme il est d'usage de le faire vis à vis de toute nouvelle théorie scientifique, on serait en droit de demander : avez-vous des preuves de ce que vous avancez ? Avez vous observé des phénomènes ou réalisé des expériences vérifiant votre théorie ? Si tel était le cas en effet, ces travaux devraient être publiés dans des revues spécialisées et soumis à l'analyse et à la critique des scientifiques comme le sont les études des phénomènes rythmiques naturels ou culturels, micro ou macroscopiques (2), qui sont des travaux de recherche véritablement scientifiques.

En se soumettant à l'épreuve de l'expérience et de l'observation, la récente discipline appelée chronobiologie faisant état de déterminismes cycliques liés aux phénomènes géocosmiques est une science à part entière. C'est dans ce même esprit qu'ont été présentés des travaux lors de récents colloques qui ont démontré l'influence sur l'être humain des cycles lunaires et solaires(3). L'intérêt tardif de la communauté scientifique pour ce type de phénomènes est en partie dû aux liens perçus par certains scientifiques, avec l'astrologie, marquant ainsi ces travaux de valeurs négatives et péjoratives. Cela n'est pas sans rappeler l'à-priori anti-astrologique manifesté par Galilée au XVIIème siècle lequel refusait de considérer que la lune puisse avoir des effets sur les marées terrestres sous prétexte que cela relevait de l'astrologie et non de la science. Or aujourd'hui l'action de la lune sur les marées tout comme sur bien d'autres phénomènes terrestres ont trouvé une explication incontestée.

Dans la mesure où ils respectent la méthodologie scientifique, ces travaux visant à mettre en évidence des corrélations ou des liens de causalité entre le cosmos et l'être humain sont valables même s'ils sont suscités par des motivations astrologiques. En aucun cas cependant, on ne doit les confondre avec l'astrologie. En effet, s'ils respectent les critères de scientificité de la discipline dans laquelle ils se placent et sont vérifiés par l'expérience ou l'observation, que prouvent-ils? Tout simplement que fonctionnent les lois de la physique, de la chimie, de la biologie, etc. Ils signifient que telle ou telle discipline scientifique fonctionne lorsqu'on l'applique aux phénomènes géocosmiques. Bien différente est l'attitude des défenseurs de l'astrologie qui argumentent à l'aide de théories sans preuves. Ils ne font qu'ajouter de la confusion dans un monde où le savoir parcellaire est devenu tel qu'il est extrêmement difficile d'avoir une réflexion sur les conditions de validité et la signification de sa discipline spécifique.

Ceux qui sont enclins à croire à l'astrologie sont en quelque sorte confortés par ces théories sans preuves colportées par les tenants de ce mode de pensée. Ces pratiques sont d'ailleurs loin d'être spécifiques au milieu astrologique. Face à un public toujours friand de théories fascinantes, poussant toujours plus loin les limites de l'espace, de la matière et du temps, certains chercheurs, quelquefois après avoir conduit des travaux tout à fait recevables, se mettent à déraper. Ils introduisent dans leurs théories des notions ou des concepts tels que l'âme, la psyché ou des équivalents, toutes entités que la science, pour pouvoir se constituer, avait fait disparaître. Bien entendu, ce type de réintroductions dans la méthode scientifique moderne permet de tout expliquer dans le domaine des rapports de l'esprit et de la matière. Bien que ces savants soient ignorés ou critiqués par leur collègues, leur « aura » dans le public amateur d'astrologie n'en est pas amoindrie. On sait que la science est connotée de façon négative depuis la fin de la seconde guerre mondiale ; être « victime » de l'opprobe des scientifiques attire plutôt la sympathie. Citons le physicien Jean Charon très apprécié pour ses écrits (4) qui en est venu à doter l'électron d'une âme, après des travaux sur la relativité consacrés par ses pairs. De même et dans une veine en lien plus direct avec l'astrologie, le biologiste Etienne Guillé a commencé par l'observation et l'analyse scientifiques de traces de métaux susceptibles de se fixer sur l'ADN. Ces métaux sont ceux qui, traditionnellement, étaient reliés aux sept planètes. Par la suite, Etienne Guillé a défini des « énergies vibratoires » dont les fréquences sont mesurées à l'aide d'un pendule (5). De ces théories hélas et des expériences ou observations qui pourraient servir à les prouver, on ne trouve trace dans aucune publication scientifique. On se demande d'ailleurs comment on pourrait concevoir un protocole expérimental permettant de comparer objectivement les propriétés spirituelles des électrons ou les énergies vibratoires de l'ADN . Que l'on formule l'objection en terme de réfutabilité ou de principe d'économie selon lequel on doit éviter d'introduire des entités arbitraires ou inutiles, il est clair qu'il s'agit alors de théories philosophiques ou métaphysiques peut-être, mais certainement pas de science.

D'autres tentatives visant à prouver l'astrologie, délaissant la recherche des causes ou influences célestes, utilisent les statistiques afin de mettre en évidence des corrélations entre l'état du ciel et les comportements humains symbolisés par leur carte du ciel. Elles ont été utilisées par des mouvements rationalistes, parfois en collaboration avec des associations astrologiques. Dans tous les cas, elles ont donné des résultats qui invalident l'existence d'influences astrales sur la personnalité ou le destin d'êtres humains. On peut lire la description de nombreuses expériences de ce type dans « The Skeptical Inquirer » (6). Les revues et les congrès astrologiques exposent de nombreux travaux qui consistent à faire apparaître des corrélations entre, par exemple des cas d'alcoolisme et certaines configurations de la planète Neptune ou bien encore entre l'inspiration ou le génie et certains aspects de la planète Uranus. Rarement conduites sur plus d'une quinzaine de cas, ces études ne peuvent avoir de véritable valeur statistique. Bien entendu, elles ne font l'objet d'aucune expertise et contre-expertise. Si peu probantes qu'elles soient, elles contribuent néanmoins à brouiller les cartes et à donner de l'astrologie une dimension faussement scientifique.

Attardons-nous à présent sur deux travaux récemment examinés et dont les résultats semblent aller dans le sens d'une vérification de l'astrologie. Madame Suzel Fuzeau-Braesh, directeur de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique a démontré qu'une population de 238 paires de jumeaux dont les cartes du ciel presqu'identiques ne diffèrent que par «l'ascendant », exhibent des comportements différents en rapport avec la signification de leur « ascendant ». Ces travaux font apparaître 153 réponses favorables à l'astrologie sur 238 (7). Henri Broch, professeur de physique à l'université de Nice, y a relevé de nombreuses lacunes : manque de nombreux paramètres, refus de communiquer des renseignements sur la procédure précise et les méthodes statistiques utilisées, naissances hypothétiques, etc. (8). Suzel Fuzeau-Braesh répond partiellement à cette analyse critique dans son dernier ouvrage (9), et assure que son expérience sera répliquée avec une nouvelle génération de jumeaux.

Réalisée sur une plus grande échelle, la tentative de Michel et Françoise Gauquelin a débuté en 1955. Elle a consisté à montrer l'existence de corrélations entre la position des planètes à l'instant de la naissance et certaines caractéristiques humaines. La corrélation la plus marquée est celle que l'on désigne sous le nom d'«effet Mars». Elle concerne la position de la planète Mars à l'instant de la naissance et les prouesses sportives. En accord avec Gauquelin, le Comité Français pour l'Etude des Phénomènes Paranormaux, créé entre autres par le prix Nobel Alfred Kastler, s'est attaqué au problème en 1981, en élargissant nettement l'échantillon initial de Gauquelin(10). Il est apparu qu'en choisissant « assez bien » l'échantillon, Gauquelin arrivait à trouver des écart-types significatifs. Mais l'élargissement important de l'échantillon réalisé avec le CFEPP en accord avec les Gauquelin a nettement montré que ces écarts-types se réduisent de plus en plus pour tendre vers zéro. Dans ce cas non plus, la polémique n'est pas close. Suitbert Ertel, professeur de psychologie à l'Université de Göttingen, a montré que l'effet Mars augmente avec la notoriété du sportif (11).

En attendant les réplications de ces derniers travaux, on peut admettre qu'ils semblent corroborer une certaine relation entre les phénomènes célestes et la personnalité de certains êtres humains. On doit cependant noter la faiblesse des résultats en faveur de l'astrologie: seulement 153 réponses favorables sur 238 pour l'étude sur les jumeaux. Quiconque a sincèrement étudié l'astrologie et s'est penché sur son thème natal sent bien qu'au plus profond de son intériorité, dans la mesure où il est capable d'un minimum d'introspection, l'astrologie est « vraie » : le sentiment de coïncidence psychique éprouvé avec l'univers depuis la nuit des temps n'a pas été effacé par trois siècles de matérialisme scientifique. Il y a bien présence d'un « phénomène astrologique » : la carte du ciel de naissance reflète les structures les plus profondes de l'âme humaine. Comment se fait-il alors que ce phénomène ne se manifeste pas d'une manière aussi nette dans les travaux statistiques ?

La réalité du symbole

Il faut bien en conclure que l'astrologie ne se laisse pas facilement capturer par les filets grossiers des statistiques. Si, après étude, elle est perçue en accord avec notre intériorité, c'est qu'elle renvoie à une réalité plus subtile, bien différente de celle qu'étudient les sciences de la nature. Ces dernières refusent les ambiguïtés. Ceci est patent en physique classique. Mais même en physique quantique où les formalisations font apparaître des dualités du type onde-particule (nous en reparlerons), il n'en demeure pas moins que l'acte de mesure conduit à la manifestation d'un événement unique et bien défini. Il faut dire que les sciences modernes sont précisément issues de la rupture avec l'usage de la logique de l'ambivalence dans laquelle se maintient l'astrologie, tout comme les mythes de la pensée archaïque. Or, au plus profond de notre intériorité, des forces contradictoires existent et nous les ressentons. La plupart des traités astrologiques soulignent cette ambivalence dans l'interprétation des symboles. Pour prendre un exemple parlant dans le cadre de l'astrologie des douze signes, l'ancien Président de la République Valéry Giscard d'Estaing, Verseau, manifesta bien des qualités propres à son signe. Il innova lors de son intronisation : il décida de descendre les Champs Elysées à pied, de rendre visite à des prisonniers, de rencontrer des éboueurs, de s'inviter chez des gens simples... Mais les valeurs du signe opposé, le Lion, étaient également très présentes chez lui. Amateur de chasses royales, admirateur de Louis XV, il remit à l'honneur l'ancienne coutume des rois de France consistant à n'avoir personne en vis-à-vis lors des repas. On se rappellera aussi son attrait pour les diamants de Bokassa... On comprend bien alors que les statistiques ne puissent rendre compte de telles manifestations contradictoires du comportement humain. La science statistique correspond à un type de pensée qui s'est efforcé de séparer les termes opposés et de refuser à chaque terme d'inclure en lui quelque chose d'un autre terme. Elle permet de mettre en évidence des phénomènes bien réels mais qui ne peuvent être en rapport qu'avec les objets particuliers des sciences de la nature où la notion d'âme a disparu. S'il était donc réellement prouvé, et ceci sans l'ombre d'un doute, que les astres ont tendance à déterminer les destins des sportifs de haut niveau ou les traits distinctifs des jumeaux, les scientifiques seraient bien obligés de prendre acte de ces phénomènes et de les intégrer dans le cadre d'une nouvelle discipline à créer ou déjà existante. Ils feraient bien d'éviter un nouvel à priori anti-astrologique analogue à ceux qui se sont exercés au XVIIème siècle contre Kepler qui affirmait l'influence de la Lune sur les marées ou contre Newton qui, dans sa théorie de la gravitation remettait à l'honneur les forces à distances, réminiscences des forces obscures de l'alchimie. Car si de la même manière aujourd'hui, la réalité des phénomènes décrits plus hauts était confirmée, des pans entiers du corpus scientifique seraient alors remis en question et la connaissance scientifique pourrait accomplir de nouveaux progrès. En aucun cas cependant, ces nouveaux faits ne conféreraient à l'astrologie un label scientifique. Au mieux, cela pourrait renouveler la science, nous en reparlerons plus loin avec Kepler. Et il faut s'en féliciter car la science, grâce à sa méthodologie chèrement acquise à travers les siècles, nous permet de définir le monde de mieux en mieux et d'y voir plus clair dans l'obscurité de la matière, en permettant la reprise de nos projections. Quoiqu'il en soit, l'astrologie resterait l'astrologie, c'est-à-dire renvoyant toujours à cette réalité subtile dont nous parlions tout à l'heure, subtile et infinie et le demeurant même si l'effet Mars et les effets constatés sur les jumeaux finissaient par tomber dans le domaine de la science.

Cette réalité subtile est bien sûr celle du symbole, réalité souvent décriée, en premier lieu par les tenants de l'astrologie scientifique qui s'étonnent quelquefois, s'exclamant : « Mais alors, vous dites que l'astrologie ne serait que du symbole? » Le ton est donné par ce « ne que » dédaigneux. Il témoigne du statut inférieur dans lequel on relègue ce qui, hier, dans notre propre culture et aujourd'hui encore dans l'ensemble des cultures non occidentales, possède une réalité tout aussi « réelle » que la réalité matérielle. C'est ce rejet du symbole qui explique actuellement celui de l'astrologie par l'université et les sphères culturelles. Car s'il est problématique d'admettre de nos jours l'astrologie dans le cadre d'un domaine d'étude authentique, ce n'est pas seulement lié à la dégénérescence qu'elle a subie, à l'exploitation éhontée qui en est faite et que tout le monde peut observer dans presque tous les médias. C'est bien davantage à cause de la dévaluation du symbole qui s'est opérée pendant les deux derniers siècles. La science du symbole s'est tellement obscurcie que le mot lui-même en est venu aujourd'hui à signifier tout autre chose qu'à l'origine, et à désigner, indifféremment, les feux de circulation, les sigles, les signes mathématiques ou les images des rêves. D'où la difficulté présente de distinguer dans l'astrologie ce qui relève d'une science de la nature, - qui n'a rien à voir avec l'astrologie - et l'astrologie en tant que telle qui relève du symbole, c'est-à-dire d'un plan transcendantal, un plan métaphysique qui est celui des essences.

Il est regrettable que les sciences humaines se méfient de cette discipline, il est vrai tant décriée, et limitent son étude aux seules perspectives sociologique, historique ou ethnologiques. Il serait pourtant salutaire d'essayer de comprendre à quoi correspond sa résurgence aujourd'hui, plutôt que de l'abandonner aux charlatans de l'horoscope. Au lieu de la laisser se constituer comme croyance ou nourrir les débats stériles entre sciences et « parasciences » il serait préférable d'essayer de rendre raison de sa réalité propre. Précisons que si elle ne peut être science de la nature, l'astrologie ne peut pas davantage être une science à l'instar de la psychologie comme certains voudraient le prétendre. Cette fausse conception est sans doute véhiculée par la contamination des interprétations astrologiques avec l'esprit du temps très axée sur le psychologique. Les racines de cette nouvelle tendance peuvent être trouvées dans des ouvrages tels que L'astrologie de la personnalité (12) et De la psychanalyse à l'astrologie (13). Les astrologues sont ainsi conduits à croire faussement que l'astrologie possède des outils conceptuels et pratiques, pouvant être mis en oeuvre dans une « astrothérapie » alors qu'il n'existe dans l'astrologie aucun outil conceptuel à l'instar de ceux mis au point par les fondateurs de la psychanalyse par exemple.

Astrologie et psychologie des profondeurs

En résumé, disons que l'astrologie ne peut être science - ni humaine ni de la nature - mais, en revanche, elle peut être objet de science: de la science des formes symboliques, de la science des religions, ou de la science de la psyché - la psychologie. En aucun cas, répétons-le, elle ne peut être science elle-même. Quiconque aujourd'hui se penche sur son thème astrologique ou en demande une interprétation, accomplit un acte qui relève du « psychologique ». Freud avait écarté l'astrologie et les autres disciplines « occultes » de son champ d'étude, les reléguant dans ce a qu'il avait appelé « les boues noires de l'occultisme ». Pour Jung en revanche, aucune production de la psyché humaine ne pouvait constituer réellement un déchet à mettre au rebut ; tout devait avoir un sens, à condition de trouver le tout dans lequel l'élément s'intégrerait. Ainsi, l'astrologie ne peut être abordée aujourd'hui que dans la perspective psychologique, c'est-à-dire que ce qui, auparavant était vécu comme provenant des astres, est compris aujourd'hui comme une projection de l'inconscient. Pour Jung, la plus grande partie de ce que nous désignons aujourd'hui comme psychique, résidait, avant l'avènement de la science, dans la matière animée de l'univers. « Depuis que les étoiles sont tombées du ciel et que nos symboles les plus sublimes ont pâli, une vie secrète règne dans l'inconscient. C'est pourquoi nous avons de nos jours une psychologie et c'est pourquoi nous parlons de l'inconscient. Tout cela serait et est même, en fait, entièrement inutile à une époque et dans une forme de civilisation qui possèdent des symboles. (14) »

Tout ce monde intérieur qui était vécu par projection sur l'écran du monde extérieur, Jung s'est efforcé de lui reconnaître une réalité qui lui est propre. Il a eu le grand mérite d'avoir redécouvert empiriquement l'âme du monde constituée par la multitude des dieux de la nature qu'il appelle l'inconscient collectif ou la psyché objective. De s'affronter à la compréhension de l'astrologie et des autres « fantômes de l'imagination des siècles » lui a valu d'être suspecté de mysticisme et même de magie. Pourtant Jung agit en véritable scientifique. Voici comment il décrit sa démarche à l'un de ses correspondants : « J'observe, je classe, j'établis des relations et des organisations séquentielles entre les faits observés, et je montre même qu'une prévision est possible. Lorsque je parle de l'inconscient collectif, je ne le pose pas comme un principe, je donne seulement un nom à la totalité des faits observables, c'est-à-dire aux archétypes» (15).

La définition la plus claire de l'archétype ainsi que le rappelle Michel Cazenave (16) n'est pas du tout celle d'une image originaire ni la condensation des résidus archaïques d'une substance inconsciente. C'est une forme vide, une forme a priori de l'aperception du monde, une structure de l'inconscient qui en se manifestant dans notre monde, dans notre vie sensible, se dérobe du même coup qu'elle se charge de représentation et fait ainsi surgir les images archétypiques ou symboles. Cazenave rappelle la parenté objective des archétypes avec les formes du champ collectif de l'imagination de Lacan ainsi qu'avec l'inconscient vide mais formateur de Lévi-Strauss et les travaux de l'anthropologie contemporaine des formes de parenté.

Comme Freud, Jung se réclame de la méthode empirique mais rejette l'interprétation causale exclusive des phénomènes psychiques. Ces derniers sont aussi et plus encore orientés vers une fin ou plutôt un chemin à suivre qu'il appelle l'individuation ou la réalisation du « Soi », archétype de la totalité humaine. Jung suggère l'hypothèse tout particulièrement originale et hardie de la synchronicité (17) afin que certains aspects de la réalité non contenus dans la description causale de la nature puissent être compris comme des phénomènes synchronistiques, sans que l'on doive pour autant opérer une régression vers la forme archaïque de la pensée magique causale.

Ainsi, à la lumière de ses travaux, les planètes, les signes du zodiaque, ne sont pas des archétypes, mais des images archétypiques ou des symboles. Mars Mercure Vénus, en astrologie, représentent les puissances d'agressivité, d'initiative (Mars), de communication (Mercure), d'amour (Vénus), qui sont en nous, que nous avons typifiées et projetées sur les planètes qui nous semblaient le mieux exprimer ces qualités. Et le sentiment de coïncidence psychique que nous pouvons avoir avec l'univers de notre naissance n'est pas dû à l'influence physique de ces planètes mais au fait que nous sommes nés avec, en synchronicité avec l'univers tel qu'il était à notre naissance. Jung exprime cette correspondance en disant que « nous sommes nés à un moment donné, en un lieu donné, et nous avons, comme les crus célèbres, les mêmes qualités de l'an et de la saison qui nous ont vu naître (18). »

Astrologie et unité potentielle du monde

En collaborant avec le physicien Wolfgang Pauli, Jung a abouti à la conclusion que l'inconscient n'est pas limité au domaine de la psychologie, mais se trouve en relation avec les structures de la matière. Matière et psychisme ne constitueraient plus deux mondes séparés, voire antinomiques mais plongeraient leurs racines dans une structure originaire unique que Jung, reprenant les philosophes du Moyen Age appelle l'unus mundus. L'astrologie relève de ce plan. Mais, à travers ses racines, la science aussi, procède de ce même plan. Car la véritable histoire des sciences fait bien ressortir comment ceux qui créent la science s'appuient sur les formes symboliques qui émergent de l'inconscient (19). Un exemple parmi d'autres est celui de Kepler, le fondateur de l'astronomie nouvelle au XVIIème siècle. On savait depuis longtemps que Kepler s'adonnait à l'astrologie. C'était, comme l'ont qualifiée les historiens des sciences au XIXème siècle, la « mauvaise part » de Kepler. Or, comme on peut s'en rendre compte aujourd'hui en lisant ses oeuvres récemment traduites (20), les images symboliques de l'astrologie qui parsèment ses écrits étaient partie intégrante de sa recherche scientifique. Elles lui étaient consubstantielles et ce sont ces symboles qui l'ont guidé vers la formulation de nouvelles hypothèses qui sont à la base de la science moderne. Kepler tout comme Newton et tous les grands inventeurs des sciences ont eu besoin, pour créer la science moderne, de s'appuyer sur les images symboliques de l'alchimie, de l'astrologie ou même sur d'autres éléments, mais dans tous les cas, sur tout autre chose que la science. Ainsi, on peut dire en fait, que toute vision de la réalité, qu'elle s'exprime par des mythes ou des modèles, est une projection de l'inconscient. Toute vision de la réalité, destinée à ordonner le chaos, que cette vision soit religieuse ou scientifique, est une projection de l'inconscient, c'est-à-dire qu'elle repose sur un état de complète similitude entre la psyché inconsciente et le monde extérieur. Bien entendu, la science n'en reste pas au niveau de la vision ; il se met en place un processus de discrimination et de mise en ordre qui aboutit, en physique, à des lois exprimées en langage mathématique. L'esprit humain a tendance à s'attacher à ces visions comme s'il s'agissait de vérités éternelles, mais vient un moment où il prend conscience que les phénomènes observés ne coïncident plus à la vision, à l'hypothèse, ne correspondent plus à la théorie ou au modèle scientifique utilisé. On prend ainsi conscience qu'il s'agit d'une projection, qu'il faut abandonner l'hypothèse en question et chercher de nouveaux schémas.

Ainsi la science, comme l'astrologie, est une projection de l'inconscient sur l'inconnu de la matière et du cosmos. Science et astrologie sont des projections du savoir de l'inconscient qui est un savoir diffus, non sachant, que Jung a appelé le savoir absolu. Il décrit ce dernier, pour souligner son aspect diffus, comme un "nuage de savoir". C'est à ce niveau du savoir absolu de l'inconscient, c'est-à-dire de l'unité potentielle de l'ensemble de l'univers, que science et astrologie sont une seule et même chose. Et ce n'est que lors de la prise de conscience de ce savoir diffus, non sachant de l'inconscient, par l'humanité dans son ensemble et par chacun d'entre nous en particulier que sont engendrées les diverses formes symboliques, les concepts scientifiques et les lois de la physique. Mais nous ne sommes plus alors dans le plan de l'unité potentielle de l'univers. Nous sommes dans un tout autre niveau de réalité, celui de la manifestation développée du monde sensible. C'est là que se particularisent, que se différencient les systèmes religieux et que s'établissent les différentes disciplines scientifiques. C'est là qu'apparaissent les formes dites archétypiques par opposition aux formes vides que sont les archétypes. Car les archétypes, ces noyaux ou structures de l'inconscient, Jung le rappelle à plusieurs reprises, ne sont pas perceptibles par la conscience. Ce sont des formes vides, des matrices sans contenu qui se remplissent du contenu de la conscience par exemple dans le rêve d'une personne particulière ou, dans le cas d'une culture donnée, des éléments particuliers de cette culture. D'où l'absurdité des débats portant sur la validité de tel ou tel système astrologique, en particulier autour de cette fameuse question de la précession des équinoxes : l'occident a utilisé, en gros depuis 2000 ans, le zodiaque mobile des signes (lié aux saisons) car sa culture, sa forme de civilisation relativement changeante est davantage en rapport avec cette image archétypique de la totalité que constitue le zodiaque mobile des signes. Donc illusion de chercher, à ce niveau de la manifestation, une unité entre les différents systèmes d'astrologie. Et illusion encore de rechercher, à l'intérieur de ce même plan, un rapprochement entre la science et l'astrologie. D'où la nécessité pressante aujourd'hui de considérer plusieurs niveaux de réalité.

La reconnaissance de l'existence de différents niveaux de réalité

Aujourd'hui, le nouvel esprit scientifique est en train d'abandonner l'ancienne conception strictement matérialiste du monde en acceptant des réalités d'un autre mode que celui de la réalité immédiate dans laquelle nous vivons. Outre le psychologue Jung et le physicien Pauli, de nombreux autres chercheurs, physiciens ou philosophes des sciences, ont été amenés à faire l'hypothèse d'un champ transcendantal : monde impliqué de David Bohm (21), le réel voilé de Bernard d'Espagnat (22), le champ sub-quantique d'Ervin Laszlo (23), etc. Paradoxalement, c'est de la physique qui, à l'époque scientiste au XIXème siècle prétendait imposer sa méthode à tous les autres modes de savoir, qu'est venue la nécessité de considérer au moins deux ordres différents de réalité :
- la réalité des objets macroscopiques de la vie de tous les jours, régie par la logique aristotélicienne de l'identité de la non-contradiction et du tiers exclu. Autrement dit : une table est une table et n'est pas une chaise.
- la réalité des objets quantiques, déjà évoquée avec le phénomène de non-séparabilité qui est l'expression d'une certaine totalité indivise de l'univers. Si nous essayons de comprendre le comportement de ces objets en utilisant la logique classique, nous aboutissons à des paradoxes. C'est le cas de la lumière interprétée traditionnellement comme corpuscule puis onde à partir du XIXème siècle lorsque domina la théorie ondulatoire, jusqu'à l'émergence en 1930, de la théorie des quanta. Depuis lors, on pense que la lumière est constituée par des entités d'un type nouveau à la fois onde et particule. La logique classique (principe d'identité, de non-contradiction et de tiers exclu) doit ici céder la place à la logique du tiers inclus qui met en évidence un autre niveau de réalité où ce qui apparaît comme désuni et contradictoire (onde ou particule) est perçu comme uni et non-contradictoire. Certains physiciens ne peuvent admettre cette conception. Jean-Marc Lévy-Leblond compare la situation à celle qu'ont connue les premiers aventuriers qui, débarquant en Australie, « ont aperçus dans les cours d'eaux où ils cherchaient de l'or d'étranges bêtes à bec et à poils qu'ils ont baptisés « duckmole » (canard-taupe). Les aborigènes, eux, les appelaient d'un nom spécifique : « mallingong » (ou « boondaburra »). Il fut hélas remplacé par le pesant et savant « ornithorynque » (ou « platypus » pour les Anglo-Saxons), car il ne s'agissait pas d'hybrides, à la fois canard et taupes, mais bien d'êtres nouveaux et jusque-là inconnus. En ce qui concerne la lumière, le physicien voit bien que dans les appareils où il la manipule, dans les équations où il la décrit, elle n'est en fait ni onde ni particule - et non pas à la fois l'une et l'autre, et pas davantage tantôt l'une, tantôt l'autre, comme on le dit encore trop souvent (24). » On passe ici à un niveau de réalité encore plus profond où disparaissent simultanément l'identité, la non-contradiction et le tiers exclu.

C'est dans le cadre de ces nouveaux paysages épistémologiques ouverts par la physique quantique qu'il est possible de situer le lieu de l'astrologie et de préciser la nature de ses possibles liens avec la science. Il est nécessaire d'utiliser une nouvelle rationalité, une rationalité ouverte permettant le dialogue entre les différentes sciences et l'expérience intérieure. C'est une approche récente qui a pris le nom de transdisciplinarité qui est à comprendre aux deux sens du préfixe trans : ce qui est au-delà de toute discipline et ce qui traverse toutes les disciplines possibles. L'article 3 de la Charte de la Transdisciplinarité précise que « la transdisciplinarité est complémentaire de l'approche disciplinaire ; elle fait émerger de la confrontation des disciplines de nouvelles données qui les articulent entre elles ; et elle nous offre une nouvelle vision de la nature et de la réalité. La transdisciplinarité ne recherche pas la maîtrise de plusieurs disciplines, mais l'ouverture de toutes les disciplines à ce qui les traverse et les dépasse (25). »

Avec ses protocoles, ses exigences et ses modes d'existence tout à fait spécifiques, la science opère à un niveau d'être tout à fait distinct de celui de la quête d'intériorité inspirée par l'esprit que représente l'astrologie. Toutes deux décryptent la même unité potentielle du réel mais chacune à partir de niveaux d'être possédant leurs propres lois. Dans sa vaste enquête sur les rapports de la science et de l'âme, Michel Cazenave a été amené à distinguer une hiérarchie de quatre plans d'existence entre l'être et nous. Il est intéressant de les citer ici car ils montrent clairement où et comment science et astrologie sont d'une certaine façon profondément unies et d'autre part tout à fait distinctes.

1- Les étants : lieu de la psychologie du conscient et des phénomènes relativement séparés de la physique classique macroscopique. Y règne la logique du tiers exclu (a est a et n'est pas b). Par exemple, en astronomie : la planète Mars est la planète Mars et n'est pas la planète Vénus.

2- Le tout-de-l'étant : lieu de la totalité de la psyché personnifiée en un individu, de la physique relativiste et de la physique quantique phénoménales. De ces globalités actuelles s'originent les étants particuliers.

3- Le plan de l'être : lieu d'une totalité potentielle de la psyché objective transcendante, de l'unus mundus, du réel fondateur de la mécanique quantique où règnent les paradoxes et paires de complémentaires (conscient - inconscient, onde - particule). La logique est ici à tiers inclus (a est à la fois a et b). C'est aussi le lieu des archétypes et des symboles astrologiques qui peuvent signifier aussi bien une chose que son contraire. Le symbole Mars par exemple peut se manifester tout autant dans le comportement destructeur d'un tueur en série que dans l'acte guérisseur d'un chirurgien.

4- L'être inconnaissable et imparticipable, au-delà de toute contradiction et de toute identité, où a n'est ni a ni b
Dans cet agencement, l'astrologie comme tout autre art symbolique relève des deux derniers niveaux où psyché objective et matière coïncident dans leur potentialité unitaire. La science quant à elle, ne traite que des objets séparés, multiples et actualisés des deux premiers niveaux. Mais, comme le dit Cazenave, ces quatre plans se reflètent les uns les autres, le dernier renvoie au premier (26).

Le zodiaque, miroir de l'être et grille de lecture

Ainsi, on ne peut expliquer l'astrologie par la science, pas plus que les archétypes d'ailleurs. En revanche, on peut en percevoir les reflets. Certains prétendent que l'on peut y voir l'avenir. Il y a fort à parier qu'à l'exception de certains travaux en astrologie mondiale, la plupart des prévisions astrologiques se révéleraient fausses si une étude exhaustive était réalisée. La justesse de certaines prévisions ne serait vraisemblablement due qu'au simple hasard statistique. Si quelques événements, mondiaux comme l'éclatement du bloc de l'Est, ou nationaux, comme des changements de majorité politique, ont été effectivement prévus, cela semble relever davantage des connaissances en géopolitique et du sens de l'histoire de leurs auteurs. L'astrologie joue effectivement un rôle, mais seulement en résonance sur la grille des possibles que constituent le jeu infini des « aspects » astrologiques.

On peut comprendre que la solitude du pouvoir amène encore aujourd'hui certains « princes qui nous gouvernent » à s'entourer d'astrologues. Leurs conseillers préfèrent adopter (espérons-le!) les méthodes scientifiques de la prospective, peut-être moins poétiques ou spectaculaires mais mieux adaptées au monde contemporain. Car tout ce qui, avant la différentiation astrologie-astronomie relevait de la projection sur l'avenir se retrouve aujourd'hui dans les prévisions scientifiques. C'est en effet l'un des rôles de la science que de prévoir l'avenir tout en précisant les limites de ce pouvoir prédictif. Ce ne devrait plus être celui de l'astrologie. Il est remarquable que ni les fondateurs de la psychanalyse, ni les thérapeutes contemporains n'aient encouragé une quelconque pratique prédictive. Il n'est pas question d'en nier la possibilité pour l'astrologie ; car la connaissance inconsciente du savoir absolu qui gît dans les couches les plus profondes de la psyché permet un tel « survol du temps ». En effet, cette connaissance est en dehors du temps ou plutôt, elle est étalée sur toutes les dimensions du temps aussi bien passées que futures. Mais c'est un savoir diffus qui ne permet pas la description d'un événement d'une façon tout à fait exacte. Seule peut être esquissée l'image plus ou moins floue des possibilités qui se présentent, ce que Marie Louise von Franz appelle la "qualité des événements possibles" (27). Utiliser l'astrologie pour considérer les événements décousus du passé, pour chercher à les relier et leur donner un sens est certes une pratique valable. Mais de trop fréquentes interrogations sur l'avenir sont, à terme, préjudiciables, car cela détourne l'attention de « l'ici et maintenant ». Cela éloigne l'astrologie du seul sens qu'elle puisse avoir à l'approche du XXIème siècle : nous présenter, à travers les symboles de la carte du ciel de naissance, les contradictions dues aux aspects non assumés de notre personnalité et permettre, en dialoguant avec ceux-ci, de prendre conscience du « Soi », la totalité essentielle de notre psyché.

Sur un autre plan, l'astrologie est aussi appelée « mère des sciences ». Sa très riche structure symbolique n'est-elle pas maintenant en mesure d'inspirer la science dans l'élaboration de nouveaux outils propres à saisir les toujours renouvelés aspects du réel qui lui échappe? Comme l'a montré Jung, les archétypes effectuent un mouvement d'ensemble qu'il appelle circumambulation (28). Il s'agit d'un mouvement de rotation des archétypes autour du « Soi » qui est l'archétype central, sur-ordonnateur de l'ensemble des archétypes. Le zodiaque des douze signes est un mandala (symbole de la totalité), illustrant parfaitement cette ronde des archétypes. Harmonieusement structuré par les nombres, principalement les nombres quatre (éléments feu, terre, air et eau) et trois (qualités cardinale, fixe et mutable), c'est une grille de déchiffrage très riche qui utilise un langage conceptuel en puissance, une sorte de « mathématique qualitative ». La structure zodiacale circulaire permet une lecture à la fois en mode de succession grâce à la ronde des signes et en mode de simultanéité grâce aux aspects d'opposition et de quadrature. Bien avant de permettre la lecture d'une histoire individuelle ou collective, l'astrologie a été perçue par les anciennes traditions égyptiennes, babyloniennes, indiennes, islamiques comme reflétant la création et l'évolution du monde. L'astrologie est, avant tout, une cosmogonie. Or aujourd'hui, existe une cosmologie scientifique qui démontre, preuves à l'appui, que l'univers a une histoire, c'est-à-dire que celui-ci a eu un début, aura une fin et, dans certaines interprétations, qu'il est susceptible d'avoir une évolution cyclique. Il est remarquable que les différentes étapes de cette histoire recoupent la signification des douze signes du zodiaque (29). A l'aide de la structure zodiacale, on peut ainsi pointer certaines relations au sein des nouvelles théories cosmologiques qui perdent pied à l'approche du temps zéro de l'univers et renouveler la réflexion pouvant faire émerger qui sait, une nouvelle approche scientifique du problème de la singularité de l'origine. Bien entendu, dans cette utilisation de l'astrologie, il importe de ne jamais confondre les totalités manifestées, examinées par la science, avec la totalité potentielle du plan de l'être illustrée par le zodiaque.

La vérité de l'astrologie

Ceux qui cherchent à prouver l'astrologie par la science perpétuent la croyance de Bertrand Russell au début du siècle pour qui « il n'y avait de vérité que scientifique ». Cette conception scientiste de la vérité se situe dans le prolongement de la conception traditionnelle de la vérité qui a dominé la pensée occidentale depuis Aristote. Pour Aristote, « les discours vrais sont semblables aux choses » (De Interpretatione). Conception reprise au Moyen-Âge par St Thomas d'Aquin pour qui la vérité est « adéquation ». Puis au XVIIème siècle par Descartes, qui pense la vérité d'une représentation comme certitude dans la mesure où elle garantit la rectitude, c'est-à-dire l'accord avec l'objet représenté. Et même plus récemment chez Kant qui, en écho à Aristote écrit que « c'est uniquement dans le jugement, c'est-à-dire uniquement dans le rapport de l'objet à notre entendement qu'il faut placer la vérité aussi bien que l'erreur.»(30)

La vérité de l'astrologie ne peut se poser en ces termes. Pour qui médite son thème de naissance, il y a certes, adéquation entre la représentation de l'univers vu à la naissance et son « vécu » intérieur. Mais, en ce qui concerne l'astrologie, il s'agit d'une représentation symbolique de l'univers. Aucun système d'interprétation symbolique n'est absolument vrai. Le symbole est caractérisé par sa polysémie, son foisonnement multivoque. C'est un langage opaque susceptible d'une infinité d'interprétations. Au contraire du langage de la science qui cherche à expliquer, à rendre compte des phénomènes naturels, le langage symbolique tel que celui de l'astrologie demande à être interprété et à nous conduire au coeur de notre intériorité. La carte du ciel n'est pas une représentation conventionnelle mais plutôt le chemin d'un sens caché, d'une unité à retrouver qui est l'unité avec la structure archétypique de notre être.

La vérité de l'astrologie est ainsi la vérité du symbole. Vérité plus originaire que celle qui se conçoit comme adéquation avec la chose, c'est une vérité qui appartient à l'essence de l'être. Elle n'est pas pensée en terme d'accord mais de dévoilement, comme dans l'allégorie de la caverne de Platon. Ce statut de la vérité repris par la tradition néoplatonicienne, on le retrouve, au Moyen-Âge chez Saint Bonaventure pour qui la vérité « ne vient pas de l'existence de la matière, puisque celle-ci est contingente, ni de son existence dans l'esprit, puisque ce serait une fiction si la chose n'existait pas en fait ; elle découle de l'exemplarité de l'archétype divin qui détermine les propriétés et l'enchaînement mutuel de toutes les choses d'après les desseins de la sagesse éternelle » (31). Cette conception d'une vérité essentielle on la retrouve évidemment chez Jung, dans son processus d'individuation au terme duquel l'individu perçoit sa propre vérité. C'est la vérité singulière de chacun, ce qui ne signifie pas pour autant qu'il y aurait relativisation de la notion de vérité. Il s'agit de la vérité du « Soi ». C'est la vérité éprouvée dans la méditation du mandala personnel que constitue la carte du ciel.

Références

1. La pensée scientifique et les parasciences, Albin Michel, 1993
2. Jean-Jacques Wunenberger, Les rythmes, lectures et théories, Centre Culturel International de Cerisy, L'Harmattan, 1992
3. Chronobiology and its roots in cosmos, Bratislava 1997. Voir aussi Kosice 1993 et Bratislava 1994, Moon and living matter, Professor M. Mikulecky, Slovak Medical Society, Institute of Preventive and Clinical Medecine, Limbova 14, SK 83301 Bratislava, Slovaquie
4. Jean Charon, L'esprit cet inconnu, Albin Michel
5. Etienne Guillé, Le langage vibratoire de la vie, Le Rocher, 1990
6. The skeptical inquirer, Box 703, Buffalo, NY 14226-0703 USA
7. Suzel Fuzeau-Braesh, Astrologie : la preuve par deux, Robert Laffont, 1992
8. Henri Broch, L'extravagante « manip » des jumeaux, dans Science et Vie n 916, 1994
9. Suzel Fuzeau-Braesh, Pour l'astrologie, Albin Michel, 1996
10. Claude Benski et al., The "Mars effect", Prometheus Books, 1995
11. Suitbert Ertel, Kenneth Irving, The tenacious Mars effect, The Urania Trust, London 1996
12. Dane Rudhyar, The astrology of personality, Lucis Publishing Co., New-York, 1936 et L'astrologie de la personalité, Le Rocher, 1984
13. André Barbault, De la psychanalyse à l'astrologie, Editions du Seuil, 1961
14. Carl Gustav Jung, Les racines de la conscience, Buchet Chastel, 1971 (p. 37)
15. Carl Gustav Jung, Correspondance 1958-1961, Albin Michel 1996 (p.177)
16. Michel Cazenave, Jung et la modernité, une introduction, dans Cahiers Jungiens de psychanalyse, numéro 80 1, place de l'école Militaire Paris 1996
17. Carl Gustav Jung, Synchronicité et Paracelsica, Albin Michel, 1988
18. Carl Gustav Jung, L'homme à la recherche de son âme, Albin Michel, 1987 (p. 288)
19. Michel Cazenave, La science et les figures de l'âme, Le Rocher, 1996
20. Jean Kepler, Le secret du monde, Les Belles Lettres, 1984
21. David Bohm, La plénitude de l'univers, Le Rocher, 1987
22. Bernard d'Espagnat, A la recherche du réel, Gauthiers-Villars, 1996
23. Ervin Laszlo, Aux racines de l'univers, Fayard, 1992
24. Jean-Marc Lévy-Leblond, Aux contraires, Gallimard, 1996 (p. 32)
25. Basarab Nicolescu, La transdisciplinarité, Le Rocher, 1996
26. Michel Cazenave, La science et l'âme du monde, Albin Michel, 1996
27. Marie Louise von Franz, La psychologie de la divination, Albin Michel, 1995
28. Carl Gustav Jung, Commentaire sur le mystère de la fleur d'or, Albin Michel, 1984
29. Alain Nègre, Entre science et astrologie, S.P.M., 1994
30. Kant, Critique de la raison pure, Gallimard, 1980 (p. 318)
31.Saint Bonaventure, Itinéraire de l'esprit vers Dieu, Vrin, 1994


Alain Nègre est professeur d'électronique à l'Université de Grenoble, France. Il n'est pas astrologue mais s'intéresse depuis longtemps à l'astrologie. Vous pouvez le joindre par mél à: This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.ou lui écrire à l'adresse : 16, rue Jules Siegfried 38400 St Martin d'Hères, France. Son livre « Entre Science et Astrologie » est disponible à S.P.M., 34 rue Jacques Louvel Tessier 75010 Paris
Tel. (33) 1 44 52 54 80
Fax (33) 1 42 00 27 08

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